L’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) est une mesure administrative, prise par les préfets, visant à interdire à un ressortissant non européen, d’entrer et de séjourner sur le territoire français pendant une période déterminée. L’IRTF est une mesure complémentaire à la décision d’obligation de quitter le territoire (OQTF), tel qu’une IRTF ne pourra jamais être délivrée en l’absence d’une OQTF. En revanche, toute OQTF n’est pas nécessairement assortie d’une IRTF.
La délivrance d’une IRTF n’interdit pas de facto à un étranger de demander la délivrance d’un titre de séjour. Mais en pratique, cela complique ses chances d’obtenir un titre de séjour.
I. Qu’est-ce qu’une IRTF et dans quels cas peut-elle être délivrée ?
Si vous faîtes l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), le préfet peut également décider de vous délivrer une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), soit en même temps que l’OQTF, soit postérieurement. L’IRTF est une mesure administrative qui empêche un ressortissant non européen, expulsée du territoire français, de revenir sur le territoire pour une période déterminée.
Conformément aux articles L.612-6 et L.612-7 du CESEDA, l’IRTF peut être prononcée dans différents cas :
- Lorsque l’étranger a reçu une OQTF sans se voir accorder un délai de départ volontaire, l’IRTF est prononcée automatiquement en même temps que l’OQTF
- Lorsque l’étranger qui a reçu une OQTF s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire fixé par l’autorité administrative, l’IRTF est prononcée après l’OQTF.
L’article L.612-8 du CESEDA donne également un pouvoir discrétionnaire aux autorités administratives qui peuvent toutefois décider d’assortir une décision portant OQTF d’une IRTF, en dehors des deux cas précités.
Seules des « circonstances humanitaires » peuvent justifier que l’autorité administrative ne délivre automatiquement pas d’IRTF dans ces deux cas. Mais en pratique, cette notion est que très peu utilisée par les préfectures. De plus, son utilisation varie fortement d’une préfecture à une autre.
Conformément à l’article L.612-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), le préfet fixe la durée de l’IRTF en tenant compte de plusieurs éléments : la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une mesure d’éloignement à son encontre, et le fait que sa présence sur le territoire français constitue ou non une menace à l’ordre public.
Conformément à l’article L.612-11 du CESEDA, le préfet peut prolonger une IRTF pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification, dans certains cas :
- Lorsque l’étranger qui a reçu une OQTF sans délai de départ volontaire s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ;
- Lorsque l’étranger qui a reçu une OQTF avec délai de départ volontaire s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de ce délai ;
- Lorsque l’étranger qui a reçu une OQTF est revenu sur le territoire français alors que l’IRTF faisait toujours effet.
En revanche, la durée totale d’une IRTF ne peut pas excéder 5 ans à partir du moment où vous avez exécuté l’OQTF, soit lorsque vous avez effectivement quitté le territoire. Cependant, en cas de menace à l’ordre public, la durée maximale d’une IRTF est de 10 ans, et non plus de 5 ans.
La loi Asile et Migration, adoptée le 26 janvier 2024, pour contrôler l’immigration a endurci les conditions de l’IRTF. En effet, si avant l’adoption de la loi, la durée maximale d’une IRTF était de 3 ans, la loi Asile et Migration a augmenté cette durée maximale, d’une durée allant jusqu’à 5 ans.
Ainsi, la principale difficulté de cette mesure d’interdiction de retour est qu’elle ne devient pas caduque par l’effet du temps. Autrement dit, tant que l’étranger n’a pas exécuté son OQTF en quittant le territoire, l’IRTF est prorogée. Le délai maximale de l’IRTF ne commence à courir qu’à compter du jour où l’étranger, visé par l’IRTF, a effectivement exécuté son OQTF.
II. Quelles sont les conséquences d’une IRTF ?
L’IRTF est une mesure très stricte. Une fois expulsé ou qu’il a quitté le territoire, l’étranger ne pourra plus revenir en France avant la fin de la durée de son IRTF.
Le non-respect d’une IRTF peut entrainer des sanctions pénales, pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement. En effet, conformément à l’article L. 824-11 du CESEDA :
« Est puni de trois ans d'emprisonnement le fait, pour un étranger faisant l'objet d'une interdiction administrative du territoire, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire français, de pénétrer de nouveau sans autorisation en France.
L'étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de dix ans d'interdiction du territoire français.»
De plus, lorsque l’étranger reçoit une décision portant IRTF, son nom est inscrit au fichier européen de non admission sur le territoire, pour la durée de son IRTF. Cela entraîne le signalement aux fins de non admission dans le système d’information Schengen (SIS). Dès lors, en plus d’être interdit de retour sur le territoire français, l’IRTF produit également ses effets dans l’ensemble de l’espace Schengen. Cela signifie que si une IRTF est prononcée en France à l’encontre d’un étranger, celui-ci ne pourra plus non plus se rendre dans n’importe quel autre État membre de l’espace Schengen.
Le signalement aux fins de non admission dans le SIS peut être supprimée en cas de fin du délai de l’IRTF, en cas d’annulation par le juge ou en cas d’abrogation de la mesure par le préfet.
III. L’IRTF fait-elle obstacle à la délivrance d’un titre de séjour ?
La délivrance d’une décision portant IRTF, et notamment le signalement au SIS qu’elle entraîne, empêche la délivrance d’un visa pour entrer et séjourner dans l’espace Schengen. Ainsi, l’étranger visé par l’IRTF ne pourra donc ni demander de visa en France, ni dans les autres États faisant partie de l’espace Schengen.
En revanche, la délivrance d’une décision portant IRTF n’interdit pas de facto la délivrance d’un titre de séjour. Les préfectures gardent un pouvoir discrétionnaire. En pratique toutefois, il est rare que les préfectures acceptent de recevoir des demandes de titre de séjour de la part d’étranger sous le coup d’une IRTF. Il est encore plus rare qu’elles octroient des titres de séjour à des étrangers visés par une IRTF. Il est donc important de contester ces décisions portant IRTF.
En revanche, si l’étranger ayant reçu une décision portant IRTF s’est maintenu en France, mais qu’au regard des circonstances particulières de sa situation ou de celles de son pays, il est désormais menacée en cas de retour, il peut toujours déposer une demande d’asile, sans se voir opposer son IRTF.
IV. Quels sont les recours possibles à l’encontre d’une décision portant RTF ?
Une IRTF peut être abrogée par différents moyens :
· Conformément à l’article L.613-8 du CESEDA, la décision portant IRTF est abrogée automatiquement, à condition que :
o Vous ayez quitté le territoire français dans le délai imparti, et que
o Vous ayez prouvé par tout moyen votre sortie dans les 2 mois suivant la fin du délai imparti : cachet sur votre passeport montrant votre départ du territoire français ou en vous présentant à l’ambassade ou au consulat français de votre pays de retour
Mais le préfet pourra refuser cette abrogation en fonction des circonstances particulières liées à votre situation et à votre comportement. Ce refus pourra faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif territorialement compétent.
· Conformément à l’article L.613-7 du CESEDA, vous pouvez également demander l’abrogation de cette mesure par un recours gracieux. Vous devez adressée cette demande par écrit au préfet qui a pris la décision portant IRTF. Mais cette demande n’est pas recevable que si :
o Vous résidez hors de France
o Vous n’êtes pas incarcéré suite à une peine d’emprisonnement ferme ou vous ne faîtes pas l’objet d’une mesure d’assignation à résidence
· Conformément à ce même article, le préfet peut à tout moment décider d’abroger une IRTF.
Enfin, il est possible de demander l’annulation d’une décision portant IRTF par un recours devant le tribunal administratif territorialement compétent. Ce recours suspend l’exécution de la mesure d’IRTF. Ainsi, l’étranger qui a introduit un recours ne pourra pas être éloigné du territoire français pendant la durée de cette procédure.
En plus de l’annulation de l’IRTF, il faut également demander l’effacement du signalement dans le fichier européen de non admission.
Cependant, le délai de recours variera en fonction de l’OQTF dont dépend l’IRTF :
- Si l’IRTF est prononcée en même temps que l’OQTF, les voies et délais de recours sont les mêmes que pour l’OQTF (de 48h à 30 jours selon l’OQTF).
- Si l’IRTF est prononcée postérieurement à l’OQTF, le délai de recours est de 15 jours à compter de sa notification.
Le tribunal statue sur le recours dans un délai de 6 semaines.
L’étranger qui souhaite présenter un recours a le droit d’être assisté par un avocat, ainsi que d’un interprète si cela est nécessaire.
Si vous avez des questions ou si vous souhaitez vous faire accompagner par le Cabinet Leloup dans vos démarches, n’hésitez pas à nous contacter.
Lison Ducasse
Comments